"Je travaille en Antarctique"
En Antarctique il n'y a pas de résident permanent. Les seules installations présentent sont des stations scientifiques, toute autre activité (industrielle, militaire) étant proscrite par le traité de l'Antarctique auquel adhèrent 53 nations.
A part les touristes qui ne mettent le pied sur le continent que pour un temps très court (mais qui représentent néanmoins 40 000 personnes dans l'année), La population se résume à des scientifiques et du personnel technique pour assurer la logistique et le fonctionnement des installations. Cela représente environ 10 000 personnes durant les mois de l'été austral (novembre à mars) et seulement 1 millier les mois d'hiver.
Nous avons interrogé Emmanuel Poudelet qui oeuvre à la station Belge Princess Elisabeth, une des plus récentes construites sur le continent (2009). Emmanuel Poudelet est infirmier urgentiste et guide polaire certifié par l'International Polar Guides Association (IGPA).
En quoi consiste ton travail ?
Emmanuel Poudelet : "J'ai été engagé comme "Field Guide" et infirmier. J'accompagne certaines missions scientifiques sur le terrain pour assurer la logistique et la sécurité de leurs déplacements. En cas de besoin j'assiste également le médecin dans son travail. Durant la plus grande partie du temps j'interviens dans les différentes équipes techniques. Nous sommes tous très polyvalents car il y a beaucoup à faire : menuiserie, électricité, plomberie, ingénierie ..."
Quelles sont les conditions climatiques à la station Princesse Elisabeth ?
Emmanuel Poudelet : "En ce moment c'est l'été austral : il fait jour 24h/24. Fin décembre les températures étaient les plus chaudes, entre 0 et -5°C sous abri (le vent peut faire descendre la température ressentie de façon importante). Lors des premiers jours de la saison fin octobre, les températures étaient beaucoup plus basses et maintenant que nous avons passé le solstice, le soleil commence sa lente déclinaison et les températures vont se refroidir de nouveau.
La météo reste très changeante et nous avons un point trois fois par jour pour organiser au mieux les sorties sur le terrain."
Compte tenu de ces conditions il doit être nécessaire d'adopter une organisation rigoureuse pour les activités extérieures ?
Emmanuel Poudelet : "En dehors des activités effectuées aux alentours immédiats de la station c'est effectivement le cas. Pour chaque sortie journalière des scientifiques il y a obligatoirement un guide avec eux. Il possède un "field kit" comprenant des équipements pour une intervention en crevasse, un GPS, un téléphone satellite, une radio VHF, une trousse de secours et un abris d'urgence avec réchaud si la mission se déroule vraiment loin de la station."
Comment s'organisent les journées de travail ?
Emmanuel Poudelet : "Nous travaillons 6 jours sur 7 de 8h à 20h avec une heure de pause à midi. Le dimanche nous ne sommes pas obligés de travailler mais si besoin nous continuons certaines tâches importantes. "
En antarctique il n'y a pas de route mais seulement de la glace et de la neige. Comment s'effectuent les déplacements ?
Emmanuel Poudelet : "Majoritairement en moto-neige. Il peut être nécessaire de faire de grandes traversées jusqu'à la côte à 200 km pour récupérer des containers déchargés par bateaux. Dans ce cas nous utilisons des tracteurs, des chasse-neiges et autres machines puissantes capables de tracter plusieurs tonnes de matériel."
La station est en même temps le lieux de travail et le lieu de vie. On imagine une petite communauté interdépendante qui se côtoie dans des conditions assez spartiates ?
Emmanuel Poudelet : "Les résidents de la station ont tous une fonction principale permettant d'assurer le fonctionnement complet de la station : Cuisinier, charpentier, plombier, médecin, conducteur, ingénieur, mécanicien ... Mais nous sommes aussi engagés pour notre polyvalence et nous sommes amenés à nous entraider dans les différents domaines.
Concernant les conditions de vie, nous logeons dans des chambres de 2. La station a été conçue pour une équipe permanente de 48 personnes mais selon les saisons et les projets, on se retrouve parfois à plus de 50 (les scientifiques, membres des avions ravitailleurs, autres personnes de passage.)"
A quoi ressemble la station Princess Elisabeth ?
Emmanuel Poudelet : "La station Princesse Elisabeth est unique car c’est la première à 0 émissions. Elle est structurée autour d'un bâtiment principal chauffé de 400 m2. Il accueille le coeur électronique, les bureaux, les parties communes, sanitaires et cuisine et quelques chambres. S'y ajoute des espaces techniques (non chauffés) d'une superficie totale de 2000 m2(entrepôts de matériel, ateliers, garages, vestiaires ..)
Les fondations de la station sont fixées sur une barre rocheuse qui empêche la structure de glisser avec le glacier. Par contre elle bouge de haut en bas de quelques dizaines de centimètres par an"
Quelles sont les activités scientifiques menées à la station ?
Emmanuel Poudelet : "Il y a de nombreux domaines de recherche en cours à la station allant de recherches menées sur la glace de mer, les plates formes de glace flottantes et les montagnes et le plateau antarctique. On retrouve donc des chercheurs allant des glaciologistes aux géologistes en passant par les biologistes, etc."